Publications | 1 février 2013
La religion chrétienne orthodoxe est aujourd'hui probablement la plus méconnue et la plus sujette aux confusions. D'entrée, dans une ignorance largement partagée, on songe aux liens de soumission de l'Église de Moscou au pouvoir russe - mais on oublie que la deuxième Église orthodoxe orientale est celle d'Éthiopie -; à l'association historique de l'orthodoxie au panslavisme - mais c'est ne pas mesurer l'importance que prend désormais l'Église orthodoxe nord-américaine - ; à une mystique impressionnante, telle celle du Mont Athos, mais c'est alors prêter à cette religion une unité liturgique plus qu'institutionnelle.
Antoine Arjakovsky, dans cet ouvrage d'une singulière originalité, nous fait découvrir l'orthodoxie dans la dynamique de l'histoire, c'est-à-dire dans la crise profonde que traversent aujourd'hui une religion, des Églises et leur identité trop souvent figée.
Car les orthodoxes ne s'entendent pas sur la définition de leur Église (est-elle celle des sept premiers conciles œcuméniques ? Ou, plutôt que la fidélité à la mémoire, est-ce la capacité à incarner, avec l'aide de l'État, le règne de Dieu sur la terre grâce à la « droite vérité » qui la définit ? Ou bien encore se ramène-t-elle à la « juste glorification » - c'est-à-dire sa spiritualité, son culte, sa prière, qui remontent aux apôtres notamment ? Moins encore sur la place des femmes ni sur les rapports aux puissances politiques. Face à des tensions internes qui peuvent conduire à l'éclatement d'une identité commune devenue impossible, Antoine Arjakovsky montre l'émergence d'une conception nouvelle de l'orthodoxie comme « la connaissance juste », celle qui unifie ce qui est cru avec ce qui est vécu, en quelque lieu que ce soit.
Il n'y va plus seulement de questions de doctrine mais, pour le monde contemporain, aussi de rééquilibrages géopolitiques.